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Secteur Public : renforcement de la prévention contre la corruption

Patricia Pombo
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Secteur Public : renforcement de la prévention contre la corruption

Entrée en vigueur le 1er juin 2017 l’article 3 alinéa 3 de la loi Sapin 2 marque la volonté du législateur de renforcer les obligations de prévention en matière de lutte contre la corruption et autres atteintes à la probité dans le secteur public.

Après plus de 5 ans d’application, le constat est clair :

Une Agence Française Anticorruption (AFA) active !

Responsable de la bonne mise en œuvre de cette loi, l’Agence est très présente, autant sur le volet Conseil que sur le volet Contrôle. Elle a établi des recommandations, publié nombre de documents pour guider les acteurs publics dans l’appropriation des dispositifs attendus.

L’AFA a également entrepris des contrôles d’initiatives [1] auprès d’acteurs publics. Le rapport d’activité [2], fait notamment état de 69 contrôles auprès de ces derniers, d’octobre 2017 à fin 2022 dont plus de 80 % d’entre eux ouverts sur les opérateurs de l’Etat, les collectivités territoriales et les organismes privés non lucratifs.

L’existence de véritables zones de risque d’atteinte à la probité !

Selon le rapport, les signalements sont en nette progression (304 en 2022 contre 216 en 2021) et l’analyse de ces derniers a permis d’identifier :

  • « 328 faits, qui, s’ils étaient avérés, seraient susceptibles de constituer pour 61 % d’entre eux des atteintes à la probité, parmi lesquels 31 % relevant de la corruption d’agent public et 25 % du trafic d’influence, 14 % de la prise illégale d’intérêt, 13 % du détournement de fonds ou de biens publics, 11 % du favoritisme, 5 % de la concussion [3]. »
  • Et que 48 % de ces signalements mettaient en cause des acteurs publics.

Les élus mais également les agents de collectivités doivent prendre pleinement conscience de leur zone de risque et acquérir les réflexes systématiques à mettre en œuvre pour se prémunir contre les atteintes à la probité.

Le Secteur Public en progression…mais pas encore suffisamment mature !

Afin d’accompagner le secteur public local dans la mise en œuvre des dispositifs de prévention anticorruption, l’AFA a réalisé deux enquêtes pour connaître leur degré de maturité dans l’application de cette loi : la première en 2018, la seconde en 2022.

Les résultats globaux des deux enquêtes menées par l’Agence montrent un retard des collectivités territoriales dans l’implémentation des dispositifs de prévention et ce malgré une nette progression depuis 2018. Elle met également en avant les disparités de mise en place des dispositifs par rapport à la strate des collectivités. En effet, plus la taille de celle-ci est grande, plus les procédés anticorruptions sont effectifs.

Au regard de ces constats, il est primordial pour les collectivités de poursuivre les efforts déjà initiés dans la transparence et la lutte contre les atteintes à la probité notamment en :

  • cartographiant les zones de risque de corruption et autres atteintes à la probité,
  • optant pour de véritables dispositifs de formation plutôt que de sensibilisation uniquement,
  • rendant plus visible le dispositif de prévention et de lutte contre les atteintes à la probité aux agents et élus,
  • structurant un dispositif d’évaluation des tiers adapté et performant au regard des enjeux des collectivités,
  • veillant à renforcer les contrôles pour s’assurer du bon déploiement de l’ensemble du dispositif.

Ces démarches peuvent paraître complexes et lourdes à déployer, mais cela peut être fait de manière pragmatique au regard de la taille de la collectivité et des ressources disponibles. L’objectif étant, au-delà de respecter l’exigence réglementaire, de développer la culture du risque d’atteinte à la probité et protéger les élus et les agents pour leur permettre de mener à bien leur mission.

 

[1] Le directeur de l’AFA choisit en toute indépendance les entités qu’il entend contrôler. Les contrôles d’initiative peuvent être exercés sur deux types d’entités : d’une part, sur les administrations de l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les sociétés d’économie mixte, etc. Et d'autre part, sur certaines entreprises.

[2] Rapport d’activité 2022 de l’AFA, publié le 18 juillet 2023

[3] Infraction commise par un représentant de l'autorité publique ou une personne chargée d'une mission de service public qui, sciemment, reçoit, exige ou ordonne de percevoir une somme qui n'est pas due.