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Et si la défense nous sauvait des dangers de la désindustrialisation ?

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la défense nous sauvait des dangers de la désindustrialisation

L’année 2022 l’a rappelé avec force, les guerres à trois heures de vol de Paris n’ont pas disparu, la situation en Asie reste extrêmement tendue… Ce contexte géopolitique « inflammable » a amené les principales puissances mondiales à une nécessaire refonte de leurs politiques de défense.

Augmentation conséquente des budgets militaire pour certains ou accentuation de la coopération entre alliés pour d’autres, les changements prennent diverses formes. Mais tous les grands pays ont besoin d’un outil industriel adapté pour faire face à ce nouveau paradigme !

L’examen du projet « loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 » par l'Assemblée nationale à partir du 22 mai est l’occasion de revenir sur la Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD) française longtemps considéré comme une référence internationale.

La course au réarmement en Europe

L’Institut International de Recherche sur la Paix de Stockholm (SIPRI) a publié mi-mars les chiffres attendus de l’augmentation des fournitures d’équipements militaires en Europe. Le constat est sans appel : il est ici question d’une hausse de 93% des importations sur le territoire européen.

Si les Etats-Unis restent assez largement en tête avec 40% de parts de marché et que la Russie voit inversement son poids drastiquement baisser, la France reste bon troisième avec 11%, en progression (+3 points entre 2018 et 2022). Si nous raisonnons en volume, cela correspond à une hausse de 44% des exportations françaises entre 2018 et 2022, largement « boostées » par les contrats records de son célèbre avion de combat.

Les caractéristiques de la Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD) française

Pour répondre à cette explosion de la demande, la France peut s’appuyer sur des nombreux atouts, dont un savoir-faire industriel hérité de son riche passé.

La BITD est en effet issue d’une longue tradition historique, des arsenaux de marine et manufactures d’armes au 17e siècle qui s’est poursuivie jusqu’au 20e siècle, avec le programme nucléaire français et l’apparition d’une industrie aéronautique de défense illustrée (déjà !) par les succès internationaux d’une lignée de fameux avions de combat.

Elle peut compter sur un Etat interventionniste ayant pour objectif de garantir à la France son autonomie stratégique. Il n’hésite pas à devenir actionnaire pour permettre la création de grands groupes de taille mondiale.

La puissance publique tient à la fois le rôle de régulateur et de client en France et également sur le plan international, les ministres de la Défense étant souvent qualifiés de « VRP de luxe ». Au-delà de l’image, et même s’il peut paraître curieux d’associer diplomatie et armements, le secteur de la défense est un maillon essentiel de la chaîne diplomatique française.

Et pour l’anecdote, certains équipements Made in France ont tenu les premiers rôles au cinéma, même dans des films produits par Hollywood !

Action publique, souveraineté nationale, diplomatie… l’industrie de défense joue également un rôle économique majeur.

C’est l’une des rares forces à l’export : rappelons que notre balance commerciale est structurellement déficitaire. Et sur le plan national, il faut souligner sa contribution positive à l’économie de nos territoires.

Si la désindustrialisation de notre économie est une réalité, cela ne s’applique pas à la défense. Même si la France ne compte plus beaucoup de Manufactures d’Armes et de Munitions, force est de constater que le secteur a réussi sa montée en gamme en préservant sa compétitivité et ses emplois.

La France s’appuie sur une industrie de défense compétitive et pérenne composée de 9 grands groupes de taille mondiale et d’un tissu très dense plus de 4 000 PME et ETI qui totalisent un chiffre d’affaires pour la seule activité défense de près de 30 milliards d’euros !

Ce large ensemble entremêlé comprend donc des géants de l’aéronautique et de la défense, des équipementiers ainsi qu’un vaste réseau de sous-traitants spécialisés regroupant un savoir-faire et une maîtrise technologique unique couvrant intégralement l’hexagone.

Au-delà du rôle central des grands groupes internationaux, il convient de souligner que les PME et les ETI de la défense produisent, innovent, exportent et créent de l’emploi au cœur des régions dont ils constituent souvent l’armature économique et sociale.

Des perspectives « favorables » ?

La future « loi de programmation militaire (2024-2030) » prévoit une augmentation des budgets qui atteindra 413 milliards d’euros sur sept ans, avec pour objectif de soutenir cette industrie et de renforcer sa capacité de production. Une stratégie semblable à celle de ses voisins européens, sur un marché où la France a une position forte, en passe de devenir le deuxième exportateur mondial en matière d’armement.

Ce contexte favorable amène toutes les parties prenantes à répondre à des enjeux aujourd’hui essentiels : celui du recrutement de la main-d’œuvre nécessaire et de sa formation. Il s’agit de pouvoir compter sur un personnel qualifié capable de s’adapter à des évolutions technologiques toujours plus pointues.

Les efforts futurs devront porter sur tout un écosystème (recherche, innovation éducation/formation, partenariat public/entreprises…), et plus seulement sur la défense, afin de préparer l’avenir du secteur et plus généralement son rayonnement, son influence et l’autonomie stratégique de la France.