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Cessation de paiement

Patrick Romagnoli
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Cessation de paiement
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L’idée de ce texte m’est venue en lisant un article de la revue des « Procédures Collectives » (Lexisnexis), dans lequel Christophe Delattre, substitut général près la cour d’appel de Douai, suggérait, concernant l’ouverture d’une procédure de conciliation (article L. 611-4 du Code de Commerce), la chose suivante : « il faut que le président (du Tribunal) ne se contente pas d’une simple attestation de l’expert-comptable qui indique que l’entreprise n’est pas en état de cessation des paiements sans aucune motivation.

Pourquoi ne pas exiger de ce dernier une attestation motivée sur l’absence de l’état de cessation des paiements depuis moins de quarante-cinq jours.

Un avocat doit motiver ses conclusions ; pourquoi il en serait-il différemment pour un expert-comptable ? ».

Cette prise de position illustre une pratique qui s’est développée au sein de plusieurs tribunaux de commerce, lesquels demandent, pour initier en particulier l’ouverture d’une conciliation, une attestation d’Expert-comptable ou, à défaut, de Commissaire aux comptes, confirmant que l’entreprise n’a pas été en cessation des paiements dans les quarante-cinq jours précédant la demande.

Bien que non prévue par les textes, cette pratique se rencontre également lors de demandes d’ouverture de Mandat ad hoc (article L. 611-3 du Code de Commerce) ou encore de procédures de sauvegarde (article L. 620-1 du Code de Commerce).

En exigeant ces attestations, le tribunal se verra ainsi rassuré par un professionnel sur la situation financière de l’entreprise.

Outre le fait que l’Expert-comptable, conseil et soutien de son client, se voit demander une attestation dont le contenu est technique, le commentaire cité ci-dessus, sous-entend qu’elle ne serait pas suffisante et qu’il y aurait lieu d’en motiver l’affirmation, et donc son contenu.

Ce contexte nous amène ainsi à reconsidérer la notion de cessation des paiements, que nous définirons en première partie avant d'examiner, dans les parties suivantes, le passif exigible puis l'actif disponible.

I) Définition de l’état de cessation des paiements :

Cette notion est formalisée dans le droit français depuis 1978, bien qu’elle remonte en réalité au XVème siècle.

Longtemps ancrée dans notre tradition juridique, elle ne se définit pas par une approche purement comptable. En effet, le législateur n’a pas retenu la simple comparaison bilantielle pour la définir, au contraire il l’a considérée comme non pertinente et insuffisante.

Le constat de l’existence d’un passif supérieur à l’actif, qualifié de critère d’insolvabilité, n’est pas celui ici retenu par la loi.

L’existence d’un résultat déficitaire, d’une baisse sensible de marge, ou d’excédent brut d’exploitation, ou encore de dépassement d’escompte autorisé seront insuffisants à caractériser l’état de cessation des paiements.

De même, la comparaison de l’actif circulant avec le passif circulant ne sera pas davantage de nature à le caractériser.

Alors comment définir cette notion ?

Le Législateur en a opéré une définition par l’article L. 631-1 du Code de Commerce qui stipule 

« Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements.

Cette condition s’apprécie, s’il y a lieu, pour le seul patrimoine engagé par l’activité ou les activités professionnelles.

La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l’issue d'une période d’observation et, le cas échéant, à la constitution de classes de parties affectées, conformément aux dispositions des articles L. 626-29 et L. 626-30. La demande prévue au quatrième alinéa de l’article L. 626-29 peut être formée par le débiteur ou l’administrateur judiciaire. »

La cessation des paiements est donc « l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible », cependant si le débiteur « établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible » alors il « n’est pas en cessation des paiements ».

Cette définition qui paraît claire à première lecture, laisse malgré tout, au regard de la pratique, une grande place à l’appréciation des juridictions. »

Nous pouvons dire que la difficulté de cette définition vient du fait que cette notion se définit en deux temps, en deux concepts :

  • Le premier qui est assez facile à définir, le passif exigible,
  • Et le second qui présente plus de complexité, l’actif disponible.

Pour une compréhension approfondie, ne manquez pas notre prochaine édition d’Inspir’Action, où une analyse précise sera menée sur les subtilités de ces deux notions clés.