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Comment nourrir plus d’humains sans détruire la planète ?

Hervé Sauce
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Comment nourrir plus d’humains sans détruire la planète ?
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Le secteur agroalimentaire est devant un défi sans précédent : nourrir 10 milliards d’êtres humains.

Dans l’absolu, la réponse est déjà compliquée. Mais lorsque ce défi doit être relevé dans un monde où :

  • le coût de l’énergie augmente, impactant la production agricole, le transport des matières, et la production industrielle ;
  • les tensions géopolitiques et les conflits engendrent des ruptures d’approvisionnement ou des limitations à la circulation des récoltes ;
  • la sphère financière joue un rôle prépondérant sur la fixation des prix avec une part importante de spéculation ;
  • le dérèglement climatique engendre des effets visibles sur les récoltes et modifie les rendements observés, et plus globalement la nécessité d’intégrer la problématique des gaz à effet de serre dans l’orientation de la production.

La réponse est d’un niveau de complexité tel qu’il faut rester modeste sur la capacité à y répondre.

Alors que l’alliance d’un système agricole basé sur un recours à la mécanique et à la technologie et l’ouverture des marchés mondiaux par des traités de libre-échange a permis d’apporter une réponse au défi alimentaire du 20ème siècle, il semble de moins en moins sûr qu’elle soit la réponse à celui du 21ème.

Entre refonte de filière et changement des habitudes individuelles au quotidien, petit tour d’horizon non exhaustif des pistes à ce jour pour tenter de relever ce défi…

Localisme et Saison

C’est connu et archi-connu, mais c’est le premier levier : consommer frais, local et de saison.

Des filières associatives s’organisent pour connecter producteurs et consommateurs. Mais c’est une refonte de filière plus large qui serait nécessaire afin que ces éléments rentrent de façon plus systématique dans nos habitudes : accords avec les enseignes de grande distribution et acteurs de restauration collective. Des initiatives existent déjà et vont sans doute continuer à se développer.

Dans la même logique, la filière agricole devrait s’orienter vers une diversification des pratiques agricoles reposant sur des rapprochements d’unités d’élevages et de cultures, et une diversification de ces dernières.

L’enjeu est de recourir à une maximisation de la diversification locale, plutôt que des méga-unités spécialisées.

La capacité à l’autosuffisance alimentaire va devenir de plus en plus prégnante dans un contexte de « démondialisation » du commerce agricole qui semble enclenché.

Flexitarisme

Modifier son alimentation par un recours plus important aux protéines végétales et aux céréales complètes tout en réduisant la part de protéines animales est un premier acte significatif : la généralisation de ce type d’alimentation pourrait réduire de moitié l’emprunte carbone de notre alimentation à horizon 2050. A noter qu’en France cette pratique est déjà très développée (estimation de 23 millions de flexitariens à ce jour).

Agritech…High Tech ou Low Tech ?

Une partie de la réponse viendra de la technologie. Développement de protéines animales de synthèse, recours massif à l’intelligence artificielle pour exploiter au mieux les terres avec un recours limité aux produits phytosanitaires de synthèse et en optimisant la gestion de l’eau.

L’élevage d’insectes pour permettre un recours à des protéines animales avec un impact environnemental limité est également un axe de développement.

Le coût de la technologie ne la rendra pas accessible à tous les exploitants. En parallèle, des agricultures Low Tech reposant sur des principes d’exploitation raisonnés sont de plus en plus nombreuses et répondent également à une partie des besoins.

La capacité à nourrir les êtres humains dans les décennies à venir est l’un des enjeux les plus complexes qui soit. Les initiatives en ce sens se démultiplient, avec des réponses extrêmement différentes et sans doute complémentaires. Si cet enjeu passe par une refonte des filières (agriculteurs, industriels, distributeurs), il passe aussi par une évolution de nos habitudes alimentaires.

Les décideurs politiques et économiques ne pourront probablement résoudre que par une implication de tous les acteurs de la filière par zones géographiques cohérentes (Europe, Amérique du Nord, Afrique, Eurasie, Océanie), afin d’organiser la diversification du secteur sur un niveau géographique cohérent avec la nécessité de localiser la production au plus près des consommateurs.