Obligation de l’employeur du contrôle du temps de travail
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Par deux arrêts des 17 février et 24 mars 2021, la Cour de cassation rappelle l’impératif de suivi de la charge de travail des salariés en forfait jours, et le coût élevé d’un manquement de l’employeur à cette obligation.

L’employeur est tenu de s’assurer régulièrement que la charge de travail du salarié en forfait jours est raisonnable, ce suivi devant lui permettre de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec le respect des repos journaliers et hebdomadaires. Dans ce cadre, il doit également appliquer les modalités prévues par l’accord collectif qui ont vocation à protéger la santé et la sécurité du salarié, notamment par la mise en place d’un document de suivi et la tenue d’un entretien annuel, mais cela peut parfois s’avérer insuffisant.

Il incombe à l’employeur de prouver la tenue d’un entretien relatif à l’organisation et à la charge de travail du salarié en forfait jours.

Dans un arrêt du 17 février 2021 (n°19-15.215), l’importante condamnation d’un employeur à 350 000 euros de rappel d’heures supplémentaires permet à la Cour de cassation de rappeler qu’il appartient à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a respecté les stipulations de l’accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait jours.

L’accord collectif prévoyait que tous les salariés en forfait jours devaient bénéficier d’un entretien annuel portant sur la charge de travail, l’organisation du travail et l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle du salarié.

Or, le salarié indiquait n’avoir participé à aucun entretien de 2005 à 2009. La Cour de cassation rappelle par cet arrêt qu’il revenait à l’employeur de prouver que ces entretiens avaient bien eu lieu.

Conséquence d’un manquement de l’employeur à ses obligations légales et conventionnelles de contrôle du temps de travail du salarié en forfait jours.

La Cour de cassation indique fermement que l’absence de tenue de l’entretien annuel prive d’effet la convention de forfait en jours du salarié. Cette sanction est encourue à chaque fois que l’employeur ne respecte pas les modalités de contrôle du temps de travail et de suivi de la charge de travail fixées par l’accord collectif. Le salarié peut alors solliciter le paiement d’heures supplémentaires.

En effet, le temps de travail du salarié doit, en l’absence de forfait jours valable, être décompté selon le droit commun, fixant la durée légale du travail effectif à 35 heures par semaine. La facture peut s’avérer très élevée : dans cet arrêt du 17 février 2021, la société a été condamnée à payer 350 000 euros pour les heures supplémentaires dues de 2007 à 2012… Le délai de prescription de l’action du salarié en recouvrement du salaire s’appliquant à la date des faits était de 5 ans – il a depuis été réduit à 3 ans.

Une condamnation à relativiser : le paiement des jours de repos en application d’une convention de forfait privée d’effet est indu.

Si les risques financiers encourus par l’employeur manquant à ses obligations de contrôle du temps de travail du salarié en forfait jours peuvent être élevés, il convient néanmoins de rappeler que le paiement des jours de repos en application d’une convention de forfait privée d’effet est indu, depuis un arrêt du 6 janvier 2021 (n° 17-28.234).

L’employeur peut ainsi demander le remboursement des jours de repos prévus par la convention de forfait : ce qui réduit, certes, le montant total dû au salarié, sans pour autant l’annuler…

L’employeur ne peut pas se contenter d’appliquer les dispositions de l’accord collectif si celles-ci ne suffisent pas à garantir un suivi régulier de la charge de travail du salarié au forfait jours.

La Cour de cassation a également réaffirmé dans un arrêt du 24 mars 2021 (n°19-12.208) que les modalités de contrôle de la charge de travail prévues dans l’accord collectif peuvent être insuffisantes, et que dans ce cas l’employeur ne peut s’en contenter.

La Chambre sociale a, en effet, considéré que l’employeur ne peut se limiter à appliquer les dispositions de l’accord collectif sans vérifier que ces dispositions sont bien de nature à garantir que tant l’amplitude que la charge de travail des salariés sont raisonnables.

La jurisprudence opère ainsi un renforcement des obligations mises à la charge de l’employeur.

En l’espèce, il ne suffisait pas à l’accord collectif de prévoir :

  • que le chef d’établissement veille à ce que la charge de travail des cadres concernés par la réduction du temps de travail soit compatible avec celle-ci ;
  • que les cadres bénéficient d’un repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives, ne peuvent être occupés plus de 6 jours par semaine et se voient octroyer un repos hebdomadaire d’une durée de 35 heures consécutive ;
  • sans instituer de suivi effectif régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable.

Ces modalités ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables.

Par conséquent, l’employeur qui se borne à appliquer les dispositions conventionnelles, alors que celles-ci ne permettent pas d’assurer un contrôle réel de la charge de travail du salarié en forfait jours, ne remplit pas ses obligations de contrôle de la charge de travail du salarié. Il est donc tenu au paiement du rappel d’heures supplémentaires.

Moyens de suivi de la charge de travail du salarié en forfait jours admis par la jurisprudence.

L’employeur doit donc être vigilant : le seul entretien annuel ou trimestriel est à lui seul insuffisant.

Il doit être complété par l’établissement d’un document de contrôle.

La Cour de cassation a validé le suivi par un document de contrôle, dès lors que le document est établi par le supérieur hiérarchique (ou le salarié s’il est doublé d’un suivi par l’employeur afin d’éviter une surcharge de travail). Tout système auto-déclaratif sans supervision par un supérieur hiérarchique est exclu.

Les forfaits jours demeurent une modalité d’organisation du temps de travail intéressante, sous réserve d’une bonne gestion de leur mise en œuvre.

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