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De quoi la bienveillance est-elle le nom ?

Robert Dambo
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De quoi la bienveillance est-elle le nom
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Avez-vous remarqué ? Bon nombre d’entreprises parlent de bienveillance, au point de susciter la suspicion. Pourquoi leur conversion a-t-elle été aussi radicale ? Les pratiques sont-elles toujours à la hauteur des ambitions proclamées ? De même que le greenwashing verdit l’image des sociétés par une communication plus écologique, le management de la bienveillance n’est-il pas une posture opportuniste rendue obligatoire par les succès récents du développement personnel ? Chez Grant Thornton, la bienveillance est étrangère à la tactique et aux impératifs conjoncturels. Elle est profonde, structurelle, fruit de la réflexion et de l’expérience. Explications.

Bienveillance, mais de quoi parle-t-on ?

Pour beaucoup d’observateurs, le terme a quelque chose d’hypocrite et d’illusoire. La bienveillance serait synonyme de laxisme, un alibi du manque de courage et de la médiocrité. La génération X, qui a grandi dans la culture du rapport de force, des organisations verticales et d’une compétitivité interne à outrance, se méfie des termes qui camouflent l’inefficacité et la faiblesse. Pour beaucoup, le manager de nature bienveillante ne dit pas les choses, il élude les problèmes et tombe dans la complaisance.

C’est pourtant tout le contraire.

Le manager bienveillant s’attache à faire grandir ses équipes en les écoutant, en expliquant avec pédagogie ce qu’elles doivent mettre en œuvre pour s’améliorer et en renforçant la confiance. Or on ne décrète pas la confiance, on l’inspire par des comportements bienveillants, et la bienveillance fonctionne à partir du moment où toute l’organisation y souscrit. Elle ne peut être le fait du prince ou d’un déclaratif hâtif. Elle est le résultat d’une philosophie générale et non d’une impulsion téléguidée. Une bienveillance factice aura tout, comme disent les anglo-saxons, d’un « lipstick on the gorilla ».

Croire en la bienveillance, c’est avoir la conviction que l’individu travaillera mieux s’il est épanoui. Encore faut-il réunir les conditions de cet épanouissement ! Une cafeteria rénovée et un baby-foot n’y suffiront pas. Le changement est d’un autre ordre. L’essentiel, c’est d’installer un climat de confiance tel que la critique positive et le feedback (ou plutôt le « feedforward », comme dirait Google) afin de motiver le collaborateur plutôt que de le sanctionner et le décourager. Le respect mutuel permet le dialogue et l’échange constructif.

La bienveillance, pilier d’un cercle vertueux

À titre personnel, je n’ai pas adhéré à la bienveillance, poussé par une quelconque mouvance. C’est mon expérience du management qui m’a convaincu de sa pertinence et à bien y réfléchir, c’est de bon sens dont il est question : l’individu est plus performant dans un environnement qui lui sied. Aristote affirmait « une bonne vie, c’est de permettre à chacun de réaliser son potentiel ».

Un cercle vertueux s’impose alors aisément : la bienveillance crée les conditions d’une confiance partagée qui favorise la performance de chacun. Il s’agit de diffuser une énergie positive et de proscrire toute forme de dénigrement. Plus d’explications, moins de jugements. Moins de sanctions, plus d’encouragements.

C’est une erreur de vouloir changer les individus. Personne n’est parfait et il est d’ailleurs plus bénéfique, pour chacun comme pour le collectif, d’adapter ses comportements pour tirer le maximum des potentiels tout en atténuant leurs faiblesses. Le manager a le devoir de prendre les initiatives qui favoriseront le progrès de tous : le mouvement crée l’énergie. Une énergie positive qui conduit naturellement chaque leader, à son niveau, à rester exigeant et avoir le courage de rechercher le meilleur de l’autre pour avancer avec lui.

Changer n’est pas une option

Cette évolution de l’approche managériale est inévitable. Les générations Y et Z, appelés aussi « les millenials », n’adhèrent pas au style de management qu’ont toléré leurs parents. Leur rapport au travail n’est pas le même. Il est hors de question de tout lui sacrifier. Ces nouvelles générations aspirent à un plus grand équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Le bonheur et la sérénité ne doivent pas se limiter à la sphère privée.

Pour ces jeunes, la finitude du monde est toute autre, elle change l’ordre des priorités, et l’actualité les adoube. La pandémie a précipité les évolutions en cours. Il n’y a plus de plan B. L’urgence climatique, la surconsommation, l’épuisement des ressources et la pollution (entre autres) bouleversent nos vieux paradigmes. Il devient fondamental de redéfinir notre rapport au monde et au prochain.

La nouvelle génération veut plus de sens. Confinée, elle a, certes souffert du manque de liberté, mais aussi découvert que le travail à distance et la réduction des déplacements physiques répondaient à une partie de ses aspirations. À condition que l’entreprise les accepte.

Je crois fortement au pouvoir du collectif.

Ce qui distingue l’espèce humaine des autres, ce qui lui a permis de se développer, c’est la capacité de ses membres à coopérer avec autant d’intensité, et de créer du progrès et de la valeur. Les études l’ont montré, la performance durable d’un groupe ne tient pas au comportement d’un leader ou au coup d’éclat d’une star, elle tient à la capacité du groupe à fonctionner de façon harmonieuse. Dans un tel contexte, la bienveillance est l’ingrédient indispensable qui permet – in fine - aux individus de se sublimer dans le collectif.

On le pressent, la bienveillance fait écho à une notion plus grande, plus belle, plus ambitieuse aussi : le bien commun (nous participons à la chaire IPC-ESSEC du même nom). C’est ainsi, chez Grant Thornton, que nous retrouvons la RSE dans notre promesse client : « Go beyond ». Il faut aller plus loin, franchir un cap, réfléchir à une communauté capable d’accueillir et d’intégrer des individus différents, inégaux dans leurs aptitudes et quelquefois, mal servis par le sort. On ne choisit ni le handicap ni, autre exemple, un lieu de naissance défavorisé, ça tient de la loterie.

Dès lors, nous devons œuvrer à plus d’équité et contribuer à la construction d’un monde inclusif, interne et externe, en passant d’une conscience individuelle à une conscience collective. A cet égard, l’entreprise a un véritable rôle sociétal et les chefs d’entreprise une réelle responsabilité.