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Les directions des achats face aux défis des plateformes freelance

Répondre à un besoin d’indépendance, pouvoir décider de ses missions et de ses conditions de travail, s’offrir la possibilité d’être plurivalents ; les motivations pour se convertir au freelancingsont nombreuses. Ce mode de vie séduit d’ailleurs un nombre croissant d’actifs : en 2019, la France en comptait plus d’un 1 million dont 35% de Millenials, soit une progression de 145% en seulement 10 ans1 ! Ils représenteraient aujourd’hui 17% de la population active française et les prévisions estiment que cette proportion pourrait passer à 30% en 20252.

Dans certains domaines, le recours au freelancing devient même essentiel pour trouver les meilleurs talents, source de valeur ajoutée et d’avantages concurrentiels : dans les métiers de l’IT, par exemple, la pénurie de talents conduit les entreprises à se tourner massivement vers les indépendants ; ce serait le cas de 76% des entreprises du numérique3. Et la montée en puissance de la digitalisation pendant le confinement a prouvé à quel point il y avait besoin de talents dans le domaine de l’IT.

Dans ce contexte, de nombreuses entreprises ont déjà lancé des réflexions sur le recours aux services de freelances. La direction des achats, pour sa part, rencontre souvent des difficultés à aborder ce modèle qui disrupte ses pratiques et process.  Identifier les bons profils, chez qui, comment, à quel prix… autant de questions essentielles pour couvrir les besoins de ses clients internes ; voilà un sujet stratégique dont elle va devoir s’emparer rapidement.

Freelance, qui es-tu ?

Avant toute chose, il s’agit de comprendre qui sont les freelances car les apriori les concernant sont nombreux. Premier élément à avoir en tête : ce n’est pas une situation subie puisqu’ils sont 90% à l’avoir choisie4. Les indépendants ont par ailleurs, à 74%, un niveau licence ou plus.5

Leurs motivations principales : le besoin d’indépendance (88%), organiser librement son emploi du temps (81%), choisir ses clients et ses projets (57%)6… Des aspirations en accord avec l’évolution de la société : les jeunes ne rêvent plus de détenir un CDI mais préfèrent au salariat un réel épanouissement au travail7. Un indépendant sur deux dit gagner plus qu’en étant salarié et 92% voient le freelancing comme une situation à long terme8.

Et la crise du Covid-19 ne change rien à leur détermination : plus de la moitié se disent confiants face à l’avenir ; leurs missions se sont d’ailleurs maintenues à 64% malgré le confinement9.

Incontournables plateformes

Pour entrer en relation avec les indépendants, de nombreuses plateformes de mise en relation entre entreprises et freelances (les FMS = freelance management system) sont apparues ces dernières années, d’abord sur le continent nord-américain puis en Europe. Il en existe des dizaines, couvrant les métiers de l’IT, de la gestion de projet/consulting, de la communication et du marketing, sans oublier ceux de la création visuelle.

Parmi les plateformes utilisées en France, on trouve des généralistes, telles que le Hiboux, Freelance.com, et des spécialistes, comme Malt, Hello Comet, et Crème de la Crème plus particulièrement dédiée aux nouvelles technologies.  Leurs atouts ? Elles offrent de multiples services et fonctionnalités, et pourraient à l’avenir prendre en charge l’ensemble du process d’achat depuis le sourcing, avec une possible qualification des compétences pour certaines, jusqu’au paiement des freelances, en passant par la gestion des contrats.

Force est de constater qu’il est aujourd’hui difficile de travailler avec des indépendants sans passer par ces inter-médiateurs. Ces entreprises ont une large bibliothèque de profils de tout niveau et de toute catégorie de métiers, offrant, de manière efficace, un sourcing adapté. Pour une entreprise : traiter en direct nécessiterait une gestion individuelle des contrats pour chaque indépendant ; ce qui deviendrait vite ingérable.

Une priorité : l’agilité

S’il est donc difficile aujourd’hui, voire quasi-impossible, de se passer des FMS dans la quête de prestataires et talents spécifiques, il est primordial de bien sélectionner celles que l’on souhaite utiliser. Un mot d’ordre : mesure et raison. Référencer 30 plateformes serait trop fastidieux en termes de pilotage et de gouvernance !

La recommandation est de choisir un à deux FMS généraliste, et deux ou trois spécialistes en fonction de ses besoins. Ce travail sur le besoin ne peut se faire seul mais en parfaite collaboration avec les donneurs d’ordre et le département RH, car les achats deviennent ainsi un acteur de gestion des ressources humaines externes.

Pour opérer sa sélection, différents paramètres doivent être considérés : la pérennité de la société en elle-même (solidité financière, partenaires techniques, investisseurs etc.), les services apportés (accompagnement du client dans l’expression de son besoin et la qualification des profils, étendue et profondeur du pool de profils, qualification des expériences et expertises des freelances, reporting, etc.), la solidité et l’agilité du business model (montant de la commission d’intermédiation, délais de paiement, etc.), les risques (notamment légaux : possible dépendance économique, marchandage, conformité des contrats tripartites, etc.).

Tous ces aspects doivent être pris en considération car une plateforme, même connue, peut s’avérer inadaptée d’un point de vue de la conformité contractuelle ou de celui du business model.

Une fois ce travail de sélection réalisé, il est préférable pour la direction des achats de continuer à piloter ces process et la relation fournisseurs avec les plateformes sélectionnées. Ceci induit la révision de certaines de ses méthodes ; car l’erreur est de croire qu’acheter des prestations de freelances peut se calquer sur l’achat de prestations intellectuelles classiques.

Il faut en effet être très agile car les meilleurs indépendants ne restent disponibles que quelques jours. Pas question, donc, de passer par un cahier des charges, un appel d’offres, et un workflow de validation trop consommateur de temps avant de signer un contrat. Les délais de négociation se comptent en jours, et non en semaines.

On peut donc imaginer l’implémentation d’un Freelance Management System qui, à l’image d’un Vendor Management System, permettrait de piloter les plateformes en respectant les procédures internes tout en gagnant en flexibilité.

Management et e-réputation à l’épreuve des réseaux sociaux 

Les entreprises doivent également avoir à l’esprit que, notamment dans le domaine de l’IT, les rôles sont « inversés » : ce sont les indépendants qui choisissent les entreprises avec lesquelles ils souhaitent collaborer et non l’inverse. 

L’e-réputation est donc l’atout principal et essentiel de l’entreprise dans ce schéma. Sa protection et sa valorisation passent par l’établissement d’une relation professionnelle juste et bienveillante avec les indépendants mobilisés. En effet, de nombreuses plateformes proposent aux freelances de noter leurs missions et les mauvaises évaluations d’une entreprise peuvent lui ôter toute chance de sélection par les meilleurs talents. Par ailleurs, des avis circulent, notamment sur les réseaux sociaux dédiés ; ils peuvent faire ou défaire la réputation d’un employeur sans que ce dernier en ait connaissance.

Les sociétés qui ont recourt à des freelances doivent donc « soigner » leur management vis-à-vis de cette nouvelle, mais vitale, catégorie de collaborateurs indépendants, qui ont fait le choix de l’entreprenariat, et sont notamment sensibles à l’ambiance de travail (30% citent les « bonnes relations avec l’équipe » comme élément de motivation à collaborer de manière régulière avec une entreprise) mais aussi à l’accès à des avantages comme les formations (près de 20%) ou les services de l’entreprise (14%)10.

Ainsi, la fonction de Chief Freelance Officer apparaît pour justement gérer les indépendants depuis le sourcing jusqu’à la fin du contrat, en passant par la relation avec l’entreprise durant la mission.

Face à un recours plus en plus massif aux freelances, les entreprises doivent s’adapter aux nouveaux modèles, aussi bien en termes de process achats que de management. Les directions achats ont un rôle crucial à jouer, à défaut d’être relégué en troisième ligue : il ne s’agit surtout pas de perdre la main sur ce sujet ! Pour accompagner cette transformation, il faut conduire le changement et la bonne compréhension du marché et des offres de services permet gagner en réactivité, en agilité et en efficacité.

 

  1. Etude Eurostat relayée par Malt dans son étude 2019 du freelancing en France
  2. Adequancy, octobre 2019
  3. Baromètre de l’expertise numérique 2019 – groupe INOP’S
  4. Etude Malt sur le freelancing en France en 2019
  5. Etude 404 works 2019
  6. Etude Malt sur le freelancing en France en 2019
  7. Evénement Future of Work, 2018 via Courrier Cadres, Travailleurs indépendants : vers la fin du “salariat à la papa” ?, 13/09/2018
  8. Etude Malt sur le freelancing en France en 2019
  9. Etude Crème de la Crème avril 2020
  10. Etude sur la relation entre freelances et DRH menée par Malt et Angie – juin 2019

 

Associée
Christine Larsen Rencontrez Christine