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Trade compliance - Différences et similitudes

Nicolas Guillaume
By:
Trade Compliance
Entre les sanctions économiques et le contrôle des exportations

Comprendre les principales différences entre sanctions et contrôle des exportations

L’incertitude actuelle des relations internationales imprègne les réalités opérationnelles des entreprises. Prévenir et détecter les risques afférents nécessite de comprendre ces deux notions, sémantiquement bien distinctes.

Les sanctions économiques sont des mesures restrictives visant des personnes morales ou physiques, des moyens de transport comme des navires ou aéronefs, des types de transactions (flux financiers, opération sur un secteur d'activité précis), ou plus largement des pays dans leur ensemble (ex. Corée du Nord). Ces mesures sont protéiformes et engendrent des gels des avoirs, des interdictions d’entrée sur un territoire donné ou de mise à disposition de ressources économiques, et des entraves à l'importation et l’exportation de biens ou services.

Quant au contrôle des exportations, souvent dénommé sous l’appellation anglophone d’export control, il traduit les contrôles de passages aux frontières portant sur les flux sortants de biens militaires ou à double usage (pouvant être utilisés tant dans les domaines civils que militaires). Les prestations de services en lien avec ces biens, tels que l’assistance technique, le courtage ou le transbordement, sont aussi soumis aux règlementations export control.

Le contrôle des exportations ne couvre que les biens et services qualifiés de sensibles pour le maintien de la sécurité internationale et des droits de l’Homme, tandis que certains produits du quotidien comme des produits alimentaires peuvent être l'objet de sanctions économiques telle que l’importation de saumons ou de crabes sur le territoire américain qui est interdite par la règlementation locale.

C’est le cas aux États-Unis, où la réglementation locale interdit l’importation de ces produits sur le territoire.

Par ailleurs, ces deux notions ne disposent pas du même régime juridique. Les sanctions économiques s'insèrent dans un régime de restrictions. A titre d’exemple, si une entité A localisée en France souhaite exporter un produit vers une entité B en Syrie, mais que cette dernière est sanctionnée par l’Union Européenne, l’opération ne peut pas être réalisée. Si l’entité souhaite vendre son produit, elle doit identifier une entité cliente dénuée de toute sanction.

A l’inverse, l'export control est un régime de prohibition. De facto, tout export d’un bien ou service contrôlé au titre de la règlementation est interdit. Il doit faire l’objet d'une demande d'autorisation préalable auprès des autorités nationales compétentes. Ici, tant que l’entité cliente est située en dehors du marché unique européen, une autorisation sera requise, quelle que soit son identité.

Appréhender les principales similitudes entre sanctions et contrôle des exportations

Bien que les textes règlementaires à consulter pour analyser les risques soient différenciés, il demeure des connexions inhérentes entre eux. En effet, les régimes de sanctions peuvent explicitement mentionner des restrictions d'exportations de biens à double usage, des armes ou de matériels de guerre. Tandis que les règlements sur l'export control indiquent des destinations qui ne peuvent pas faire l’objet d’autorisations spécifiques plus permissives en raison notamment de régimes de sanctions existants.

De plus, aucune opération d’une entreprise n’est exclue de fait d’une vérification à conduire sous le prisme des règlementations sanctions et export control. Cela peut s’illustrer par le paiement d'un salaire par une entité française à un individu en France où l’analyse de son absence de placement sur une liste de sanctions individuelles est essentielle avant de l'effectuer. Ou bien le fait pour cette même entité d’envoyer certains produits sensibles au sein du marché unique européen qui doivent tout de même faire l’objet d’une autorisation.

Tant les régimes de sanctions que d’export control mettent l’accent sur les termes de finalité d’usage (end-use) et d’utilisateur final (end-user). Si le client d’une entité est un intermédiaire avant un ré-export du produit vers un autre client final, étudier ce dernier avec diligence est un prérequis. De surcroît, il est souvent nécessaire d’insérer des clauses contractuelles de non-ré-export dans le but d’empêcher que le produit fasse l’objet d’un contournement des sanctions.

Ces deux sujets de conformité s’exposent à des risques d’extraterritorialité. L’exemple américain permet de démontrer les menaces pour les entreprises européennes. À partir d’un seuil de technologie américaine à double usage incorporée dans un produit européen, la règlementation des Etats-Unis s’applique. Concernant les sanctions, bien qu’aucun lien même de rattachement (US nexus) autre que la transaction en dollar n’est présente dans une opération, cette dernière en devient soumise aux règlements sanctions outre-Atlantique.

Deux programmes de conformité distincts, mais des synergies évidentes

À la différence de la lutte anti-corruption, la mise en œuvre des programmes de conformité n'est pas obligatoire sur les sanctions et l’export control. Néanmoins, elle est un prérequis pour assurer la bonne conduite des activités commerciales par l’existence juridique d’une obligation de moyen pour l’export control et les sanctions ; sauf la vérification des sanctions individuelles, qui est ciblée par une obligation de résultat.

Par chance, l’architecture de ces programmes demeure similaire et la méthodologie longuement éprouvée par Grant Thornton : cartographie des risques, engagement de l'instance dirigeante, processus d'analyse des transactions, archivage, formation, contrôles récurrents et système d'alerte. L'unique ajout du côté de l'export control est la présence d'un pan sur la sécurité physique et informationnelle dans le cas de la préservation des biens et technologies sensible contrôlés.

Tout accompagnement sollicité aura pour objectif de mettre en avant des axes de complémentarité sur la construction de ces deux programmes :

  • Cartographies des risques : bien qu’elles puissent être indépendamment réalisées pour être les plus complètes possibles, les cartographies sur les thématiques sanctions et export control peuvent voir leur réalisation couplée. Si des enjeux de coûts sont souvent mis en avant, il est aussi vrai que l’existence de points communs (zones géographiques à risque, typologie d’opérations commerciales, types de violations, personnes à interviewer) rend cette pratique envisageable.
  • Engagement de l’instance : la fondation d’un département Trade compliance intégrant sanctions et export control ou la création de postes dédiés à ce pan de la conformité au sein d’une direction de la compliance au sens large permettrait de rendre les processus de mise en conformité plus efficaces, en mutualisant les savoirs. De plus, au même titre que pour la lutte anticorruption, le code de conduite et le règlement intérieur doivent permettre de sanctionner les contrevenants aux politiques internes sur ces sujets.
  • Analyse des transactions : l’évaluation de l’ensemble des parties prenantes (clients, fournisseurs, banques, assureurs, transporteurs) d’une opération commerciale est fondamentale pour l’identification de risques de sanctions et d’export control ; c’est pourquoi les processus de due diligence peuvent être mutualisés. Si certaines contreparties peuvent faire l’objet d’une analyse simplifiée, consistant par exemple en un filtrage sur les listes de sanctions, les contreparties les plus risquées devront, quant à elles, faire l’objet d’investigations approfondies afin de détecter d’éventuels schémas de contournement ou utilisations des biens exportables à des fins préjudiciables. Dans un second temps, l’analyse des risques associés aux biens ou services exportés repose sur leur classification export control (militaire, double usage) et à l’étude des restrictions commerciales les visant au prisme des régimes de sanctions.
  • Système d’alerte interne (whistleblowing) : le système d’alerte doit être conçu de manière à permettre la remontée d’allégations de violations des règlementations sanctions et export control. Des actions de sensibilisations doivent avoir lieu en ce sens auprès des collaborateurs.
  • Archivage : les exigences règlementaires applicables à l’export control des biens militaires et à double usage sont élevées afin de répondre aux monitorings des autorités et à leurs contrôles a posteriori. Toutefois, elles offrent un cadre structurant pouvant également être mobilisé pour le référencement et le suivi des licences obtenues dans le cadre des régimes de sanctions.

Dans tous les scénarios envisagés de mutualisation, l’accompagnement sur-mesure que nous proposons capitalisera sur vos existants et les spécificités de vos organisations internes.