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La responsabilité des gestionnaires publics à l’épreuve de la jurisprudence

Adrien Serre
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Adrien Serre
La responsabilité des gestionnaires publics à l’épreuve de la jurisprudence

L’ordonnance du 23 mars 2022 et son décret d’application du 22 décembre 2022, ont institué un régime unifié de responsabilité des gestionnaires publics exerçant des fonctions d’ordonnateur ou de comptable à partir du 1er janvier 2023.

Deux ans après son entrée en vigueur, les premiers arrêts sont riches d’enseignements et permettent d’identifier les situations critiques génératrices d’infractions dans le cadre de l’exécution de la chaine comptable et les niveaux de responsabilité mis en cause.

Aussi, et dans une logique d’amélioration continue des fonctions financières, ce retour sur la jurisprudence doit permettre de mettre en place des actions préventives dans les domaines du renforcement des dispositifs de contrôle interne et de sécurisation des risques.

Le positionnement des jugements dans la chaine financière

En lien avec cette réforme de la responsabilité des gestionnaires publics, une nouvelle chambre de la Cour des comptes a été instituée depuis le 1er janvier 2023 et celle-ci a déjà produit une jurisprudence importante.

Parmi les dix infractions susceptibles d’engager la responsabilité des gestionnaires publics, la jurisprudence de la Cour des comptes porte principalement sur les natures d’infraction suivantes :

  • L’engagement des dépenses sans y être habilité,
  • L’engagement des dépenses sans respect des règles applicables en matière de contrôle budgétaire,
  • L’octroi d’avantage(s) injustifié(s) en méconnaissance de ses obligations et par intérêt personnel, direct ou indirect,
  • La gestion de fait,
  • La violation de règle(s) par faute grave ayant entrainé un préjudice financier significatif.

La mise en jeu de la responsabilité des gestionnaires publics a été variable selon les phases du processus ELOP (engagement, liquidation, ordonnancement, paiement). En effet, il existe une concentration des mises en cause lors de la phase d’engagement. La moitié des arrêts rendus portent sur cette étape et sont fondés sur différents motifs tels que :

  • Engagement des dépenses sans en avoir reçu la délégation,
  • Méconnaissance des règles de gestion financière,
  • Immixtion dans les fonctions comptables.

Plus de 10 % des arrêts rendus concernent la phase de liquidation et portent sur les motifs suivants :

  • Inexécution d’une décision de justice et absence ou retard d’ordonnancement,
  • Octroi d’avantage(s) injustifié(s) à sa personne ou autrui.

Enfin, la jurisprudence montre un renforcement des obligations de contrôle des comptables, près de 40 % des arrêts ayant été rendus sur la base des motifs suivants :

  • Méconnaissance des règles de gestion financière,
  • Méconnaissance des obligations en matière de contrôle de validité de la dette,
  • Manquement aux obligations de contrôle,
  • Octroi d’avantage injustifié à sa personne ou autrui.

Les actions à engager pour prévenir des atteintes

Au regard de la typologie des risques de recours mis en avant par la jurisprudence, plusieurs actions peuvent être engagées pour prévenir des atteintes, selon le degré de maturité et le niveau d’outillage de la collectivité et en fonction des objectifs poursuivis.

L’ensemble des acteurs de la chaîne comptable pouvant être exposés (élus, direction générale, direction et jusqu’aux agents) cette démarche nécessite d’être pensée de manière globale et d’être portée à tous les niveaux politiques et opérationnels.

De manière concrète, cette démarche peut reposer sur la réalisation d’un audit du processus financier afin d’identifier les risques, mesurer son efficacité et envisager la construction d’un dispositif performant de maîtrise des risques. L’optimisation du processus financier peut par ailleurs nécessiter certaines clarifications et formalisation (centralisation ou déconcentration), identifier et limiter les tâches sans valeur ajoutée, voire questionner l’organisation du système d’information de gestion financière.

Un audit de conformité règlementaire peut compléter la démarche, en vue d’identifier les écarts ainsi que les risques de non-conformité avec la règlementation en vigueur. Cette étape est un prérequis nécessaire pour proposer des mesures correctives adaptées et réduire les risques de sanctions.

Le renforcement du dispositif de contrôle interne peut également être envisagé, en vue de clarifier la répartition des rôles et des responsabilités, de détecter rapidement les anomalies et surtout de sécuriser les processus opérationnels d’exécution comptable.

A cette occasion, la collectivité peut envisager de moderniser son processus financier et d’automatiser une partie du processus pour minimiser le risque d’erreur, renforcer les contrôles embarqués et optimiser les règles de saisie sur les logiciels comptables (SIGF et API avec les SI métiers et tiers).

Quelle que soit la démarche entamée par la collectivité, la mise en œuvre de ces actions nécessite un travail de sensibilisation et de formation des équipes aux risques financiers et aux conséquences réglementaires qui ont pu être préalablement identifiées. La communication tout au long du processus permet également de s’assurer de l’homogénéisation des bonnes pratiques de gestion financière et de s’assurer de l’adhésion du plus grand nombre des parties prenantes.

Pour aller plus loin, n’hésitez pas à nous contacter pour obtenir un bilan complet et détaillé.