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Egalim 2, une protection pour tous les acteurs de l’agroalimentaire ?

Kristell Dicharry
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Egalim 2
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La proposition de loi Grégory Besson-Moreau - dite « Egalim 2 » - a été adoptée par l’Assemblée Nationale le 24 juin 2021 et par le Sénat le 22 septembre 2021. Elle vient d’être votée à l’unanimité par la commission mixte paritaire du 4 octobre 2021, en attendant un vote définitif du Sénat le 14 octobre prochain. 

Cette proposition de loi vise à redéfinir les relations contractuelles de toutes les parties prenantes de la chaîne agroalimentaire : de la production agricole à la distribution finale du produit de consommation. L’objectif est de pouvoir mieux répartir la valeur ajoutée de la filière agroalimentaire entre tous les acteurs en accordant notamment une meilleure rémunération aux producteurs et en sanctuarisant le prix des matières agricoles dans leur négociation avec les transformateurs et les distributeurs. 

Même si tous les acteurs s’accordent à dire qu’il est important de mieux protéger le revenu des agriculteurs afin de ne pas fragiliser cette filière déjà fortement impactée, il reste néanmoins des incertitudes sur la mise en application de cette loi et des enjeux importants pour les industriels agroalimentaires vis-à-vis de la grande distribution. 

En effet, les distributeurs auront à cœur de maintenir un niveau de prix bas vis-à-vis de leurs consommateurs et leur marge de négociation ne pourra se réaliser que sur les coûts de transformation des produits. Cela risque d’entrainer inexorablement des tensions sur les négociations de prix avec les entreprises de transformation agroalimentaire. 

Le rapport de force peut néanmoins être différent en fonction de la taille des entreprises concernées et des marchés de distribution ; des ETI ou grands groupes industriels auront beaucoup plus de poids dans la négociation des tarifs tandis que des PME industrielles spécialisées sur un marché à marque distributeur seront fortement dépendantes des enseignes de distribution. 

Les enjeux de maintien de la rentabilité sont majeurs pour les entreprises industrielles agroalimentaires dans un contexte inflationniste de flambée des prix des matières premières agricoles, de l’énergie, des emballages et des salaires.  L’augmentation des coûts salariaux est déjà réelle car le secteur agro-alimentaire emploie une forte proportion d’employés rémunérés au niveau du Smic dont la revalorisation prévue au 1er octobre 2021 pèse déjà sur la rentabilité des sociétés. 

La répercussion de la hausse des prix de vente auprès des distributeurs est donc un enjeu prioritaire pour les dirigeants du secteur agroalimentaire depuis le début de l’année 2021. De nombreuses entreprises expriment des difficultés à pouvoir répercuter cette hausse des coûts auprès de leurs distributeurs. L’ANIA (Association Nationale des Industries Agroalimentaires) interpelle le gouvernement depuis plusieurs mois sur les difficultés rencontrées mais les injonctions gouvernementales ont peu de poids dans les fameux box de négociation de la GMS.

Dans un monde où la souveraineté alimentaire devient une priorité nationale avec notamment le déploiement de la PAT (Politique Agricole Territoriale) qui vise à privilégier les circuits courts et à favoriser la filière agricole locale, nous pouvons donc craindre une dégradation de la rentabilité des entreprises industrielles agroalimentaires pouvant entrainer une fragilité sur la solvabilité financière des plus petites entreprises du secteur. 

Même si la PAT et la loi Egalim 2 ont des objectifs vertueux de préservation de la filière agricole, il est nécessaire également de veiller à la protection de nos PME agroalimentaires françaises qui contribuent fortement à l’économie de nos territoires et du savoir-faire industriel français.