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Le vin français à l’heure de la mandature Biden

François Cayron
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Le vin français à l’heure de la mandature Biden
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Il y a un an je publiais un propos sur la guerre commerciale opposant Union Européenne et Etats-Unis dans le cadre de la crise des subventions étatiques accordées aux avionneurs Airbus et Boeing. Guerre économique entraînant une surtaxation des biens et services européens, dont les denrées alimentaires françaises, et plus particulièrement d’un pan entier de notre patrimoine culturel et gastronomique : nos vins et spiritueux.

Les fameuses taxes Trump. Pour rappel le vin est le second contributeur à notre balance commerciale, derrière l’industrie aéronautique. Je terminais d’ailleurs ce billet d’humeur par une figure humoristique, me demandant à voix haute “Que ce serait-il passé si Trump avait su apprécier un bon vin de chez nous au lieu d’un Diet Coke ?”. Et bien la question reste ouverte avec l’ami Biden, puisqu’au même titre que “The unfriendly*> Donald”, Joe est lui aussi un “Teetotaler**”.

Alors ? Quinze mois après son arrivée à la Maison Blanche, qu’en est-il du vin français à l’heure de la mandature Biden ?

Avant toute chose, rappelons qu’en mars 2021, Joe Biden faisait un premier pas vers l’Europe en proposant une suspension pour 4 mois de ces droits de douane punitifs***, pour finalement sonner la fin de la récréation 3 mois plus tard (le 15 juin 2021) après qu’une négociation ait eu lieu entre Washington et Bruxelles. Fin de la récré ? Pas vraiment. Simplement une suspension des surtaxes bilatérales à l’export pendant 5 ans. Dans le contexte économique et sanitaire incertain de ces 24 derniers mois, conjugué à la crise climatique ambiante et le violent épisode de gel noir de l’hiver dernier, une telle annonce confère à la “Bonne Nouvelle”****, et pose Joe Biden en “messie” de l’industrie vitivinicole française.

Une simple bonne nouvelle ?

Dans son communiqué de presse du 15 février, la Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux de France (FEVS) nous informe que nos exportations de vins et spiritueux ont atteint 15,5 milliards d’euros sur le dernier exercice. Record historique : +28% par rapport à 2020, et même +11% par rapport à 2019 qui faisait déjà office d’annus mirabilis. Avec 4,1 milliards d’euros (en augmentation de 34% par rapport à 2020 et même de 10% par rapport à 2019) les Etats-Unis confirment une fois de plus leur place de premier consommateur de nos vins et spiritueux (26,4% de la valeur globale !). Ainsi, la suspension des surtaxes n’est pas une bonne nouvelle. C’est une excellente nouvelle ! (pour peu qu’elle dure dans le temps).

Outre ces données volumétriques, le rapport de la FEVS nous apprend 3 choses :

  • D’une part que le vin français est toujours le meilleur vin au monde (un peu de chauvinisme ne fait pas de mal), ou tout du moins, le vin le plus recherché.
  • D’autre part, que le marché du vin français à l’export est avant tout soutenu par trois terroirs : la Champagne (3,5 milliards d’euros d’exportation), le Bordelais (2,3 milliards d’euros d’exportation) et enfin la Bourgogne (1,3 milliards d’euros d’exportation).
  • Enfin il nous confirme qu’une géopolitique incertaine dans un environnement mondialisé laisse peu de marge de manœuvre à nos amis et clients viticulteurs. Dire que nous voyions le bout du tunnel après 4 années de Trump … voici qu’un nouveau tyran arrive. Quel sera l’impact sur notre économie mondiale ?

Je ne rentrerai pas dans des considérations géopolitiques, mais sur ce dernier point, une seule chose me vient à l’esprit. Quelle tristesse d’en arriver là en 2022. Quelle indicible tristesse.

Je terminerai mon propos par une remarque. En tant que fier habitant de l’Occitanie, voir que Champagne, Bordeaux et Bourgogne se partagent les trois premières places des exportations de vins me vexe et me laisse quelque peu perplexe. L’Occitanie n’a plus à souffrir depuis longtemps de la comparaison avec ces régions. Et je l’affirme fièrement, le Languedoc sait produire, et produit des vins d’exception.

En écrivant ces lignes j’ai d’ailleurs une pensée émue pour Laurent Vaillé, qui nous a quitté voilà près d’un an, génie de la vinification et créateur de La Grange des Pères, l’un des nombreux joyaux dont regorge la région, au même titre que Le Clos des Truffiers, le Clos d’Ora, le Domus Maximus, La Petite Sibérie, le Songe d’Ecocène, Divem … et tant d’autres que je ne pourrais lister.

La filière languedocienne s’est considérablement renforcée ces dernières années, permettant à notre vignoble de rester le plus grand de France et une place forte mondiale de la viticulture. Nos vins sont connus et reconnus des connaisseurs, particulièrement en France. A nous d’accompagner nos viticulteurs dans le développement de leurs marques à l’international afin de combler l’écart avec la Bourgogne. Ce que nous sommes parfaitement en mesure de faire au moyen de nos équipes sectorielles, et que nous faisons déjà auprès de nos clients.

 

* Inamical.

** Abstinent, ou dans ce contexte précis une personne qui ne boit pas d’alcool soit par conviction religieuse, comme Joe Biden, soit pour raisons personnelles comme ce fut le cas de Donald Trump (son frère aîné, Fred Trump Jr. est mort des suites de son sévère alcoolisme à 41 ans).

*** Surtaxe de 25% sur les vins tranquilles dont le degré d’alcool est inférieur ou égal à 14° et vendu en conditionnement de 2 litres ou moins. Les spiritueux tels que les Cognacs ou Armagnac étaient eux aussi impactés par cette surtaxe.

**** Au sens biblique du terme la Bonne Nouvelle est l’annonce de l’évangile. Près de 30 ans après le début des hostilités dans le conflit des subventions aéronautiques étatiques une telle avancée est comme prêcher la bonne parole. Ou du moins faire preuve de pragmatisme.