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Redonner du sens à l’assurance

Le 6 mai dernier, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a annoncé le lancement d’une enquête thématique sur les garanties « pertes d’exploitation », afin d’établir un état des lieux des principaux contrats commercialisés sur le marché français. Cette action s’inscrit dans le cadre de l’exercice de ses missions de supervision prudentielle et de suivi des pratiques commerciales.

En effet, la crise née de l’épidémie a exacerbé la remise en cause des assureurs, questionné leur utilité, voire leur légitimité sociale. Pour faire face, il leur faut répondre au besoin de sens des Français et se concentrer sur leur cœur de métier, la confiance : réaffirmer les mécanismes de l’assurance ; être transparent sur les garanties couvertes ou non ; répondre au besoin de sécurité des individus et confirmer leur rôle d’acteurs responsables en accompagnant les changements sociétaux et environnementaux.

Assurer, rassurer

Dans son principe même, l’assurance consiste à mutualiser les risques entre les assurés dans le temps et/ou l’espace. Les risques doivent se compenser entre eux, être dispersés et divisés. Or en cas de pandémie, l’ensemble de la population est affecté et au même moment, c’est pourquoi nombre de contrats excluent la couverture des risques dans cette situation qui doit faire l’objet de mécanismes différents et adaptés.  L’ACPR a d’ailleurs rappelé « qu’une garantie portant sur les pertes d’exploitation liées à une pandémie ne serait généralisable à un prix raisonnable que dans le cadre d’un régime obligatoire garanti par l’État. »

Pour sa part, la Fédération Française de l’Assurance (FFA) a ouvert un groupe de travail pour dessiner un dispositif d’assurance qui pourrait permettre de mieux protéger les entreprises contre les conséquences économiques d’un événement majeur comme le Covid-19. Cela sera sans doute très utile : des solutions existent et il revient aux professionnels de les adopter. Mais le fond du sujet est ailleurs.

Les assureurs doivent veiller à la bonne compréhension des contrats, des garanties couvertes et du juste prix de la couverture des risques. Une attention particulière doit être portée à certains produits comme les assurances affinitaires qui, faute de compréhension claire, de trop grande complexité ou parfois de manque de transparence, créent chez les souscripteurs une déception et une perte de confiance généralisée.

L’assurance n’est pas un produit de consommation comme les autres. Seule une relation de confiance profonde permet à un assureur d’accompagner son client de la naissance à la mort, et même à travers le passage de générations lors d’un décès.

Réaffirmer les valeurs

Un des défis majeurs de la profession va être d’accompagner le vieillissement démographique.

Selon l’Insee, la France franchira la barre des 30 % de personnes de plus de 60 ans entre 2030 et 2035, alors que les moins de 20 ans ne représenteront qu’un peu plus de 20 %.

Les assureurs accompagnent le vieillissement non seulement par le biais de l’épargne, mais aussi par le développement de nouveaux services pour le mieux vieillir. Les relations avec les structures d’accueil pour personnes âgées ou de services à la personne sont de plus en plus nombreuses. Le financement de la dépendance reste un enjeu majeur pour le système de protection sociale à la française et les assureurs.

Ces deux derniers mois, la santé a été réaffirmée comme l’une des priorités de notre société. Et il est frappant de voir comment les plus jeunes ont accepté l’une des solutions pour endiguer le virus : le confinement alors qu’eux-mêmes étaient moins en danger et ce, dans un souci de protection des aînés.

Cette réaffirmation du pacte intergénérationnel est l’un des ressorts pour le financement du système de santé y compris pour les assurances complémentaires. Valeur notamment mise en avant par les acteurs mutualistes et qui sera sans doute l’un de leurs facteurs de développement et de gain de légitimité sociale. 

Investir autrement

Collectivement, les assureurs français gèrent quelque 2 700 milliards d’euros. Le choix de leurs investissements doit donc permettre à la profession de réaffirmer son rôle d’acteur responsable ; d’accompagner une « relance verte » ou la reprise post Covid-19 de certains secteurs d’activité. La Fédération Française de l’Assurance a ainsi communiqué sur un plan d’investissement en fonds propres ou quasi fonds propres de 150 millions d’euros dans le secteur touristique dont 30 millions pour les TPE via des plateformes de crowdfunding

Le nouvel environnement financier, avec des taux bas, est favorable à cette évolution. Longtemps la rentabilité assurantielle, dérivée du rapport entre les primes et les sinistres a pu être négative, l’assureur compensant les pertes dites techniques par les résultats financiers. C’est aujourd’hui terminé, le moment est venu où il faut recréer une rentabilité de la gestion assurantielle du risque.

Un cadre réglementaire : source de confiance

La réglementation qui s’impose aux assureurs est de plus en plus contraignante, et peut-être que de nouvelles exigences vont naître de la crise sanitaire. Toutefois, ce cadre réglementaire est une source de solidité financière et de confiance. La loi Eckert qui a rappelé le rôle des assureurs dans la transmission des dernières volontés des assurés, la Directive sur la Distributions d’Assurances (DDA) relative à la protection de la clientèle, les dispositifs de lutte anti-blanchiment ou la loi Sapin 2 en sont des exemples.

Face à ces défis, les assureurs ont des outils, des solutions. La transformation numérique peut jouer un rôle-clé. L’intelligence artificielle et l’analyse de données permettent une meilleure connaissance de l’assuré et donc de mieux calculer les primes d’assurance tout en optimisant les polices. L’amélioration du système d’information et de la qualité des données vont jouer un rôle important. Mais il ne faut pas confondre le but et les moyens. La profession doit définir un cadre éthique pour l’utilisation de ces nouvelles technologies, elle pourra ainsi tout en gagnant en efficacité redonner du sens à son action et restaurer la confiance.

Associée
Katell Morvan Rencontrez Katell