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Covid-19 : santé des salariés et continuité d’activité, un dilemme ?

L’Organisation Mondiale de la Santé « OMS » a déclaré le 30 janvier 2020 l’épidémie du Coronavirus (Covid-19) comme une urgence de santé publique de portée internationale.

Le Ministère du travail a publié le 28 février un questions-réponses pour répondre aux interrogations des salariés et des entreprises, réactualisé tous les deux jours afin de tenir compte de l’évolution sanitaire et des nouvelles questions des entreprises.

Le 29 février, le Président de la République officialisait lors d’un conseil de défense et de ministres exceptionnel le passage du stade 1 au stade 2 du plan de prévention et de gestion de la crise sanitaire impliquant de prendre de nouvelles mesures afin de limiter la diffusion du virus. Si le passage au stade 3 n’a pas encore été déclaré, le cap des 1 000 personnes touchées a été franchi, avec 1 126 cas de contaminations, selon Santé Publique France, qui dénombre 19 décès.

Les entreprises, vivant au jour le jour dans un contexte de gestion de crise, doivent faire face à trois impératifs :

  • Être irréprochables dans leurs démarches afin de ne pas être tenues responsables ;
  • Assurer la continuité de leur activité économique ;
  • Participer à l’effort public de restreindre la propagation du virus à la population.

Pour y répondre, quelles sont les actions à mettre en œuvre par les employeurs ? Comment répondre aux conséquences d’une épidémie à multiples foyers, anticiper une éventuelle pandémie et organiser ou réorganiser le travail face à un fonctionnement dégradé ?

Explications de Caroline Luche-Rocchia, avocat associée du département social et ingénierie RH de Grant Thornton Société d’avocats, et de Clotilde Marchetti, associée Risk Management de Grant Thornton.

L’obligation de sécurité et la protection de la santé des salariés au cœur des actions de l’employeur

L’employeur est responsable de la santé et la sécurité des salariés de son entreprise (art. L.4121-1 du Code du travail).

Il est légalement tenu d’une obligation de sécurité, consistant à prendre toutes les mesures de prévention adéquates pour protéger de manière effective la santé des travailleurs qu’il emploie, sur le territoire ou dans le cadre de missions à l'étranger.

Cela concerne notamment l’exposition des salariés aux risques biologiques dans le cadre de leur activité professionnelle (art. R.4422-1 du Code du travail), tout particulièrement s’ils sont susceptibles de provoquer une maladie grave chez l’homme (ce qui est le cas en l’espèce).

Un comportement négligent de l’employeur et de ses préposés pourrait engager sa responsabilité civile pour faute inexcusable en cas de maladie professionnelle, ou à caractère professionnel ou d’accident du travail mais en outre donner lieu à des poursuites pénales au titre du délit de risques causés à autrui.

L’article 223-1 du Code pénal, qui dispose que le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures graves de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 € d'amende, et jusqu’à 75000 € pour les personnes morales.

Sont tout particulièrement visés dans ce cadre les comportements dangereux, notamment en matière de sécurité au travail.

Dans cette définition, le risque doit être entendu au sens de l’exposition directe à une situation objectivement dangereuse et d’une gravité importante.

Ce texte permet ainsi de sanctionner la faute du dirigeant, de son délégataire voire même d’un salarié, dans des cas d’exposition par négligence ou d’absences de mesures.

Adopter les bonnes mesures grâce à un devoir d’information primordial

L’employeur est tenu de s’informer quotidiennement des nouvelles mesures fondamentales avancées par le gouvernement, mais également de l’évolution du virus afin de mettre en place les mesures adéquates et prévues par le PCA lorsqu’il existe mais aussi afin d’assurer au mieux l’information et la formation des salariés.

Il faut pouvoir agir de concert avec le médecin du travail afin de s’assurer d’un stock suffisant de produits hydroalcooliques et de masques à destination des salariés.

En fonction de l’extension du Covid-19, l’employeur pourrait être amené à devoir fournir à certaines catégories de salariés et ses dirigeants des masques FFP2 (destinés à protéger les personnes qui les portent, particulièrement indiqués pour les professionnels en contact avec les malades) ou des masques chirurgicaux (dits « antiprojections » destinés avant tout à protéger les personnes à qui l’on fait face).

Durant la pandémie du virus H1N1, l’employeur pouvait s’il l’estimait nécessaire proposer ou imposer le port des masques chirurgicaux à tout ou partie de ses salariés, en fonction de l’appréciation des risques consignée dans le Document unique d’évaluation des risques (DUERP) actualisé.

Ces masques devaient alors être achetés auprès de l’Union des groupements d’achats publics (UGAP), ou auprès de fournisseurs habituels des entreprises, du monde hospitalier ou de l’industrie agroalimentaire.

Le questions-réponses du ministère ajoute des précisions sur la conduite à tenir en cas de confirmation d’un cas de Covid-19 dans l’entreprise : nettoyage des locaux, entretiens des sols, élimination des déchets produits par la personne contaminée

Une campagne de communication, d’information et de sensibilisation devra être mise en œuvre au sein de chaque entreprise.

L’employeur est tenu de sensibiliser et de former les salariés, si nécessaire aux consignes d’hygiène et à l’utilisation des moyens de protection, notamment à travers d’exercices pratiques, et de procéder à un affichage de toutes les précautions à prendre (se laver les mains régulièrement, se signaler en cas de suspicion ou de retour d’une zone à risque, etc.).

Il devra en outre informer la portée des risques à l’égard de tous ses salariés et en particulier auprès des personnes à risques étant identifiées par l’OMS comme les personnes âgées et celles souffrant d’hypertension artérielle, de problèmes cardiaques ou encore de diabète.

Une mise à jour du Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels « DUERP »

Pour mémoire, le DUERP est obligatoire dans toutes les entreprises, quel que soit l’effectif. Il identifie et évalue les risques professionnels aux fins de concevoir un plan de prévention et d’actions qualifiées de prioritaires.

Dans le contexte de l’actuelle épidémie, il est indispensable pour l’employeur de mettre à jour le DUERP et d’associer étroitement les IRP (CSE et CSSCT au niveau de l’entreprise et des établissements) et le médecin du travail.

Non seulement le Covid-19 a des conséquences directes (l’exposition, le contact, la contamination) mais également indirectes (baisse d’effectif conduisant à une baisse de sécurité sur certains postes).

Il est indispensable, lors de l’actualisation du DUERP, de prendre en compte le risque environnemental que représente le Covid-19 mais également tous les risques supplémentaires générés par le fonctionnement anormal et dégradé de l’entreprise.

Les mesures les plus évidentes sont celles communiquées par le gouvernement, ou l’OMS, se laver les mains, éviter les poignées de mains, utiliser des solutions hydroalcooliques, porter un masque chirurgical si l’on présente des symptômes.

Toutefois, ces mesures ne sont pas suffisantes à tous les postes. En effet, un(e) employé(e) de bureau ne présente pas les mêmes risques d’exposition qu’un(e) employé(e) de caisse dans un musée. Il conviendra alors de distinguer 4 situations :

  • Les salariés travaillant à domicile : il suffira de se conformer aux consignes sanitaires.
  • Les salariés travaillant sur leur lieu de travail habituel (cas de l’employé(e) de bureau) : il suffira de se conformer aux consignes des autorités sanitaires, selon le DUERP actualisé.
  • Les salariés exposés régulièrement à des contacts étroits avec le public du fait de leur profession : non seulement les consignes sanitaires doivent être renforcées mais il est également recommandé de fournir des masques FFP2 aux employé(e)s.
  • Les salariés ou agents publics directement exposés à un risque aggravé de transmission du virus du fait de leur activité professionnelle habituelle : il conviendra d’appliquer le décret relatif à la prévention du risque biologique sur les lieux de travail.

Il conviendra d’adopter une approche graduée en fonction de l’évolution de l’épidémie et des résultats de l’évaluation des risques :

plan d’action (adaptation du plan de déplacements pour réduire le risque à la source, mesures d’urgence, accueil d’intervenants étrangers; échanges avec la médecine du travail et visites médicales (suivi individuel renforcé si nécessaire); information des IRP ; solutions de rapatriement sanitaire des personnels en mission en zones à risques; suspension des envois en mission dans ces mêmes zones; cellule de veille sur l’évolution de l’épidémie, des données scientifiques et des consignes données par les pouvoirs publics; coordination avec les organismes assureurs; liaison avec les autorités; etc.

Des mesures drastiques pourront être prises par l’employeur à l’égard des salariés.

Si nécessaire, le recours au télétravail peut être mobilisé par l’employeur comme le prévoit l’article L.1222-11 du Code du travail, selon lequel « en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés ».

Ou encore l’employeur a la possibilité d’imposer aux salariés l’utilisation de leurs congés rémunérés (congés payés, RTT, CET) pour couvrir la période de confinement.

Exercice du droit d’alerte et de retrait en cas de mesures insuffisantes ou de risques avérés

Le droit d’alerte peut être exercé par un membre du CSE lorsqu’une atteinte injustifiée à la santé physique et mentale, ou aux libertés individuelles, découle de la nature de la tâche à accomplir. En matière d’hygiène et de sécurité cela se traduit par l’observation d’un danger grave et imminent ou d’un risque grave pour la santé publique et l’environnement (art. L.2312-59 du Code du travail).

Ils peuvent donc être les déclencheurs des procédures de mise en place des moyens de prévention.

Individuellement, les salariés peuvent également user du droit de retrait (art. L.4131-1 du Code du travail):

  • Le travailleur doit avoir un motif raisonnable de penser que sa situation présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ;
  • Il doit alerter l’employeur de cette situation ;
  • Le retrait doit être effectué de telle manière qu’il ne crée pas pour autrui une nouvelle situation de risque grave et imminent.

Les notions sur ce point sont essentielles.

Notons que le recours à ce droit est très limité, notamment en cas d’épidémie si l’employeur a pris toutes les mesures nécessaires à la protection de la santé des salariés.

Seul le juge pourra déterminer si l’usage du droit de retrait a été abusif. Il est donc primordial que l’employeur mette en place toutes les mesures nécessaires pour éviter un risque de contamination à ses salariés et éviter que la désorganisation de l’activité n’emporte pas elle-même d’autres risques professionnels.

Comment organiser ou réorganiser le travail de l’entreprise face au mode dégradé de la société ?

Comment palier à la diminution des effectifs présents sur les lieux de travail, l’indisponibilité simultanée des dirigeants, des managers, des experts, des ressources nécessaires à la continuité de l’activité ou du maintien des missions essentielles ?

Toutes les mesures relatives à la santé des salariés et à l’organisation du travail doivent faire l’objet de consultations avec les IRP. Pour aller plus loin, la consultation sur un plan de continuité de l’activité « PCA » et/ou de sa mise en œuvre est plus que souhaitable.

Aménagement et organisation du travail

L’employeur peut adapter l’organisation de son entreprise et le travail des salariés par la voie de la négociation avec les délégués syndicaux ou, à défaut, par décision unilatérale après avis du CSE.

Ces modalités doivent être prévues, de préférence, en amont de la crise (éléments clés du PCA cf. infra, effets sur le règlement intérieur, DUERP).

Des modifications ou des aménagements de l’exécution du contrat de travail pourront être envisagés : télétravailnouveaux horairesaménagement des postesaménagement des lieux de travailpolyvalence pour remplacer les absents, etc…

Répondant à une situation de force majeure, les modifications devront être temporaires (durée de la crise), proportionnées et en rapport direct avec les contraintes subies (fonctionnement dégradé) avec le but recherché (maintien des activités essentielles).

Aménagement du temps de travail

Dans des circonstances exceptionnelles, et en temps de crise, le temps de travail pourra être modifié par l’employeur ou sur autorisation de l’inspection du travail.

Par l’employeur, après consultation du CSE et information à l’inspecteur du travail, les mesures suivantes en cas de travaux urgents (sauvetage ou prévention d’accidents) pourraient être envisagées :

  • suspension du repos hebdomadaire de 35 heures (24h de repos hebdomadaire plus 11 heures consécutives de repos quotidien) ;
  • dérogation au repos quotidien de 11 heures consécutives ;
  • dépassement de la durée quotidienne maximale de 10 heures ;
  • dérogation à la durée quotidienne maximale des travailleurs de nuit ;
  • utilisation des heures supplémentaires sans imputation sur le contingent annuel ;
  • utilisation des astreintes : en cas de circonstances exceptionnelles, délai de prévenance d’un jour franc.

Il sera également possible de solliciter l’autorisation administrative au sujet des mesures suivantes :

  • dérogation à la durée journalière maximale en cas de surcroît temporaire d’activité ;
  • dérogation à la durée quotidienne maximale de 8 heures des travailleurs de nuit en cas de faits résultant de circonstances étrangères à l’employeur, anormales et imprévisibles, ou d’évènements exceptionnels dont les conséquences n’auraient pu être évitées ;
  • Dérogation à la durée moyenne hebdomadaire maximale (46 heures) ou absolue de 48 heures (dans la limite de 60 heures).

Pour permettre les adaptations nécessaires, il sera probablement demandé à l’administration du travail de faire preuve de souplesse et de réactivité face aux demandes des entreprises.

Prêt de main d’œuvre entre entreprises

Le prêt de main d’œuvre entre entreprises pourra également être envisagé pour faire face à un fonctionnement dégradé de l’activité économique.

Le Code du travail autorise les opérations de prêt de main d’œuvre à but non lucratif (art. L.8241-1 du Code du travail).

Dès lors que l’entreprise prêteuse se contente de facturer à l’entreprise utilisatrice le coût des salaires et charges afférent aux salariés mis à disposition, le prêt de main d’œuvre à titre onéreux, sans but lucratif, limité dans le temps et sans préjudice pour le salarié ni soustraction au droit du travail est autorisé.

Le chômage partiel comme dernier recours à la sauvegarde économique de l’entreprise

L’activité partielle est une alternative qui permet à l’employeur, lors de situations exceptionnelles, de déroger à son obligation de garantir à ses salariés une durée de travail tout en les maintenant dans l’emploi. Bien entendu, des circonstances particulières existent selon les types de contrats, forfait en heure, forfait en jour, salarié intérimaire.

Les conditions d’accès sont également contrôlées, ces circonstances exceptionnelles de recours comprennent la fermeture d’un établissement ou la réduction du temps de travail conséquence directe ou indirecte de l’épidémie. En outre, il conviendra de consulter les IRP qui devront rendre un avis transmis à l’Inspection du Travail.

Comment construire un plan de continuité d’activité, sous l’angle du personnel ?

Un Plan de Continuité d’Activité se définit comme un ensemble de mesures visant à assurer, selon divers scénarios de crise, y compris face à des chocs extrêmes, le maintien, le cas échéant, de façon temporaire selon un mode dégradé, des services essentiels puis, la reprise planifiée des activités.

La préparation d’un PCA est sous la responsabilité du chef d’entreprise ou d’établissement.

En plus de consulter les IRP, il est vivement recommandé d’associer un maximum de collaborateurs (DRH, service juridique, risk manager, services de santé au travail, etc.).

Il convient de graduer les mesures du PCA en fonction de la gravité de la crise en s’inspirant des paliers du plan national.

Etablir un scénario d’indisponibilité des Ressources Humaines

Les scénarios de crise envisagés ci-dessus renvoient dans la phase de construction du PCA à de grands scénarios d’indisponibilité de ressources.  Que faire en cas d’impossibilité d’accéder aux locaux ? Que faire si le système d’information venait à être interrompu ?  Que faire enfin en cas de défaillance des prestataires essentiels ?

De la même manière, le scénario « Que faire en cas d’absentéisme des collaborateurs» doit être pris en compte. Cette approche requiert de tenir compte de deux exigences. Celle de la durée de l’indisponibilité en premier lieu. Les solutions de continuité mises en œuvre pour une indisponibilité d’une semaine par exemple ne sont pas du même niveau en termes de coût ou d’organisation que celles envisagées pour une durée de plusieurs mois. Les recommandations de l’OMS peuvent être utiles pour calibrer une telle durée.

Deuxième exigence : la notion d’ampleur. Quelle proportion de personnes pourrait ne pas être en capacité de travailler ?

Le responsable du PCA peut là encore s’appuyer sur des hypothèses d’absentéisme entre 40% à 60% de l’effectif, en conformément au plan national. Dans une problématique d’épidémie, mieux vaut aussi considérer ces absences sur une base aléatoire, qui intègre par conséquent les « key people ».

Une fois le scénario de crise dûment dimensionné en termes de délai et d’ampleur, il doit être validé au regard de la stratégie de maîtrise des risques de l’entreprise.

Définir les processus vitaux de l’entreprise

Ce scénario d’indisponibilité des ressources humaines est ensuite présenté aux « processus critiques » pour leur permettre d’identifier avec les responsables concernés les solutions de reprise les plus adaptées (voir supra).

Tout l’enjeu d’un dispositif de continuité d’activité consiste à prioriser ces activités vitales, si possible en amont de la crise et de manière transversale.

Pour ce faire, il s’agira d’évaluer les impacts de leur défaillance à très court terme et selon leur Délai Maximum d’Interruption Admissible (DMIA). Il est d’ailleurs recommandé d’envisager de tels impacts de manière globale, c’est-à-dire à l’échelle de toute l’entreprise et non pas par rapport aux exigences de qualité du mode nominal.

Il conviendra enfin de ne pas omettre parmi ces activités critiques, les fonctions support de l’entreprise et en particulier la direction des ressources humaines. En effet, ce département doit lui-même pouvoir bénéficier d’un dispositif de secours ad hoc lui permettant de garantir le déploiement des solutions de reprise au profit du reste de l’entreprise.

Une fois le PCA réalisé, il lui faudra soutenir l’épreuve de la crise réelle. Le Covid-19 présente cette spécificité d’engager des enjeux exigeant d’associer de manière globale deux scénarios du PCA. D’un côté, il faut répondre à l’urgence de maintenir le business avec des effectifs limités (scénario indisponibilité des personnels) et de l’autre, il faut garantir la santé et la sécurité des personnes.Eviter la contagion, c’est favoriser le travail de chacun à distance (scénario Indisponibilité des locaux).

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