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Paroles d'experts

IT Transformation

Dématérialisation des factures, quand l’Etat s’en mêle

Si la dématérialisation des factures est unanimement reconnue pour ses bénéfices en termes de réduction de coûts et de simplification des processus, il aura fallu plusieurs années et l’intervention de l’État pour lui accorder d’autres atouts, autrement plus vertueux. Des atouts qui pourraient bien pousser le législateur à élargir encore le champ des obligations réglementaires la concernant.

C’est avec les ERP que la dématérialisation des flux a commencé à se mettre en place dans les entreprises. Le développement des Centres de services partagés (CSP) a ensuite contribué à l’automatisation des processus transactionnels puis, un certain nombre d’entreprises et en particulier les grands donneurs d’ordres, sont passés à la dématérialisation des factures.

Jusqu’alors, ces projets étaient surtout portés par la volonté de fluidifier et de simplifier les processus mais également de réduire les coûts de traitement des factures. Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises ont besoin de dématérialiser leurs factures et prennent conscience de l’intérêt de cette technologie. Pourtant, jusqu’à peu, toutes n’étaient pas encore matures pour franchir le cap. Il aura fallu une pression de l’État pour que ce mouvement se mette véritablement en ordre de marche.

L’État moteur

Pour accompagner ce développement, le législateur a commencé par donner un cadre légal à la facture dématérialisée. En 2003, il a défini les modalités d’application de la loi en matière d’émission, de conservation et de restitution des factures transmises par voie électronique et sécurisée, au moyen d'une signature électronique.

Des modalités qui depuis, n’ont cessé d’évoluer pour aboutir aux règles actuelles de transmission et d’archivage d’une facture électronique fiscalement recevable (EDI, PDF avec signature électronique avancée, Piste d’audit fiable et, depuis 2018, Factur-X). Ceci est sans compter l’arrêté du 22 mars 2017 autorisant l’archivage des factures numériques en lieu et place des originaux papiers, sous certaines conditions…

Premières obligations réglementaires

Une fois ce cadre posé, le législateur est allé un cran plus loin avec la loi Macron du 6 août 2015, qui établit l’obligation pour tous les fournisseurs du secteur public de transmettre leurs factures au format électronique, via le portail Chorus Pro. Une réglementation qui s’est mise en place progressivement, à compter du premier janvier 2017 pour les grands comptes et jusqu’au 1er janvier 2020 pour les TPE.

L’article 56 de la loi de finances pour 2020 prévoit de rendre obligatoire la dématérialisation de toutes les factures de manière progressive entre le 1ier janvier 2023 et le 1ier janvier 2025, entre sociétés assujetties à la TVA.

Cette obligation s’accompagnerait d’une transmission des données à l’administration fiscale. Une mise en œuvre à la main de l’Europe qui, à ce jour, ne permet pas d’imposer aux entreprises de l’Union européenne de recevoir des factures dématérialisées, l’utilisation de ce mode de facturation étant à date soumis à l’acceptation du destinataire. Des dérogations sont possibles, puisqu’en Italie toutes les entreprises ont l’obligation de transmettre l’ensemble de leurs factures (Business to Government mais aussi Business to Business) via la plate-forme de l’État depuis Janvier 2019. Alors pourquoi pas la France ?

Quand une loi en rejoint une autre

Le cadre est posé, le ton est donné et la pression en faveur de la dématérialisation des factures devrait continuer à s’accentuer au fil des années. La tentation est d’autant plus grande pour le gouvernement que les bénéfices macroéconomiques de la dématérialisation des factures se mesurent à un double niveau. D’une part, en contribuant à la traçabilité et à la sécurisation des flux de facturation, elle limite la fraude à la TVA et facilite les contrôles fiscaux. D’autre part, en accélérant et en horodatant chaque étape du traitement des factures, elle réduit les délais de paiement.

La pression réglementaire autour de la dématérialisation des factures accompagne ainsi les entreprises au respect de la loi de modernisation de l’économie (LME) de 2008 et de la loi Sapin II de 2016 qui, pour leur part, fixent les délais légaux de paiements des factures et sanctionnent, de plus en plus lourdement, les mauvais payeurs…

L’état de fait, rend cette information publique, en affichant le montant des amendes perçus par les retardataires… Le risque réputationnel est donc grand pour les entreprises. Il faut dire qu’il y avait urgence à intervenir sur le sujet : plus d’un tiers des défaillances d’entreprises sont dues à des retards de paiement.

La contrainte légale profite au plus grand nombre

Cette pression réglementaire pourrait ainsi favoriser la démocratisation à une plus grande échelle des projets de dématérialisation des factures. D’autant que les technologies en la matière sont désormais éprouvées, simples à déployer et faciles à utiliser. Au-delà des bénéfices en termes d’efficacité opérationnelle pour les entreprises, ces technologies leur permettent ainsi de mettre en place des indicateurs clés de qualité et d’entrer dans un processus d’amélioration continue.

In fine, ce sont tous les acteurs de la chaîne de facturation qui tirent des bénéfices de la dématérialisation : le fournisseur, le client et l’État.