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Pressentir le terme de la crise du Covid est impossible à ce jour

D’où la nécessité de ne pas différer les réformes

Généralement, lorsqu’il s’agit de dresser un bilan - ou « Retex » - des crises sanitaires, l’indication préliminaire est d’en préciser le début et la fin. Or la crise que nous vivons ne semble pas avoir de fin : il est pour l’heure impossible d’en pressentir le terme. Elle impacte et impactera de manière durable nos structures de soin. 

Cette incertitude dans le devenir à moyen terme est la marque de cette crise, nous poussant à reconsidérer, refondre mais aussi ne pas différer les réformes de structures que nous avions conçues dès le plan CHU en 2018. La crise, en fait, n’a été qu’un révélateur partiel des questions que nous nous posions et qui avaient poussé les Présidents de CME à accompagner le mouvement du plan « Ma Santé 2022 ». 

Trois grands enseignements de la crise du Covid, autant de pistes de réformes

Le premier enseignement est le nécessaire repositionnement des CHU dans leur territoire de soins, mais aussi dans leur écosystème de formation et de recherche.

Les sujets principaux, déjà évoqués lors des premiers travaux en 2018 restent d’actualité : la question du mode de financement des hôpitaux (et notamment la transition d’une période d’une dizaine d’années de financement centré sur la T2A vers un financement pluriel) ; la question de l’attractivité, pour les plus jeunes médecins, des postes à occuper dans l’hôpital public ; la question de l’interaction entre la ville et l’hôpital (notamment l’insertion des enjeux de santé au sein de la politique des territoires) ; et enfin évidemment la question de la formation, qui évolue à grande vitesse avec l’émergence de nouveaux métiers.

Le deuxième enseignement : même s’ils sont utiles lors du démarrage d’une action de crise, les plans sont faits pour être abandonnés. Cette crise du Covid a souligné le besoin d’une adaptabilité permanente des structures hospitalières afin de répondre aux fluctuations subtiles ou parfois brutales de l’incertitude sociétale ou médico-scientifique.

Le troisième enseignement est la nécessité de répondre aux quatre champs fondamentaux explorés par les travaux du Ségur : les financements, la gouvernance, la recherche, et enfin, les statuts du personnel et l’organisation au sein de l’hôpital. Ce dernier point mérite une attention particulière : il convient d’accélérer ces réformes de statuts et de structure de notre système de santé… En réalité, lors de la crise, nous n’avons donné qu’une réponse partielle à ces problématiques.

Parlons d’abord des statuts des personnels soignants et de leur rémunération. Les statuts n’ont pratiquement pas évolué, et les rémunérations n’ont connu que peu de revalorisation : un décalage important s’est ainsi creusé avec d’autres pays européens. C’est un point capital à résoudre alors que se profilent des charges de travail très importantes durant les mois à venir.

Un des lourds défis, sinon le plus important pour l’hôpital en ces temps de résurgence de l’acuité du Covid, sera la qualité de la gestion, de l’accompagnement et de la motivation de personnels déjà lourdement éprouvés par la première vague, et notamment la conciliation d’opinions et de volontés divergentes. C’est la première source de préoccupation des chefs de services au sein des établissements, alors que la crise du Covid s’est ravivée beaucoup plus vite qu’on ne l’avait prévu.

Il convient également d’insister sur l’organisation interne au sein des établissements. La crise met en évidence le besoin de reconsidérer la gestion des priorités essentielles : conception de nouveaux axes de prise en charge, schémas directeurs, politique d’investissement, refonte de l’organisation des approvisionnements, …

Les approvisionnements, en particulier, posent une question majeure sur le plan national et économique : les pharmacies hospitalières doivent être en mesure, du moins pour les plus importantes d’entre elles, de mettre en place un centre de fabrication de médicaments stratégiques, plutôt que de dépendre de décideurs extérieurs et notamment d’une gestion centralisée au niveau national (laquelle a largement montré ses limites). Les hôpitaux doivent pouvoir organiser leur indépendance sur ce point particulièrement sensible : il s’agit là d’une question politique au plus haut niveau.

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Auteur : Professeur François-René Pruvot,
Chef du service de Chirurgie digestive et transplantation du CHU de Lille,
Président de la CME du CHU de Lille,
Président du collège médical du GHT Lille Flandres Métropole Intérieure,
Président de la conférence des Présidents de CME de CHU.